Un parcours artistique
Regard sur l'itinéraire artistique de Charles Reid
A part quelques rares génies, tels le Facteur Cheval ou certains enfants artistes qui spontanément, sans apprentissage préalable produisent une oeuvre de grande qualité, nouvelle d'emblée, hors de tout mouvement artistique existant ou ayant existé, l'ensemble des productions artistiques sont le résultat d'une élaboration à partir d'un savoir reçu d'un maître.
Il est toujours enrichissant de comprendre comment un artiste en est arrivé à créer ce qu'il soumet à notre regard. C'est pour cela qu'il nous a semblé intéressant de prendre le prétexte de la biographie de Charles Reid et de la mettre en perspective avec la vie de différents personnages qui directement ou indirectement sont à l'origine de son art.
Ce faisant nous aborderons sa généalogie artistique où nous trouverons les sources de sa technique et de son style.
Cet héritage permettra de comprendre ce qui caractérise spécifiquement à l'aquarelle ce style fondé sur le principe de couleur/valeur locale pure.
Enfin par l'étude de quelques notions de technique nous montrerons comment l'application de ce principe soumis à la technique développée par Charles Reid produit une peinture reconnaissable entre toutes, qualifiée de fraîche et spontanée, empreinte de l'âme du jazz, et s'inscrivant à notre sens dans un courant invitant à la contemplation et diffusant une sorte de joie de vivre à l'image de certains peintres du groupe de la Réalité Poétique.
ELEMENTS BIOGRAPHIQUES
Charles Reid est né en 1937 à Cambridge dans l'état de New York et vit à ce jour à Westport dans le Connecticut. Après avoir étudié à la South Kent School il entre à l'Université du Vermont à Montpelier puis à l'Art Student League de New York avant d' enseigner 10 ans durant à The Famous Artists School.
Son travail a été récompensé de multiples fois:
-> 1969: Premier Prix au Festival de New Haven.
-> 1970: Premier Prix d'Aquarelle au Salon New Canaan Outdoor.
-> 1971: Prix Julius Hallgarten à la National Academy of Design.
-> 1980: il est élu à la National Academy of Design.
Depuis il a reçu de nombreux prix dont le Childe Hassam Purchase Prize à l' American Academy of Arts and Letters et le First Altman Prize à la National Academy of Design.
Son travail se trouve dans des collections privées et publiques tel le Smith College, le Yellowstone Art Center, le Brigham Young College, la Roche Corporation, et la National Academy of Design.
Grand pédagogue de renommée internationale il anime des ateliers dans le monde entier et a écrit onze livres sur son travail (aucune édition en français):
Figure painting in watercolor (1972), Portraits painting in watercolor (1973),
Painting what you want to see (1983), Portrait and figure painting in watercolor (1984),
Pulling your painting together (1985), Painting by design (1991),
The natural way to paint (1994), Flower painting in watercolor (2001),
Charles Reid's watercolor secrets (2004), Charles reid's watercolor solutions (2008),
Flower painting in oil (?).
FORMATION
Charles Reid âgé de 16 ans commence par prendre des cours par correspondance à The Famous Artist School. Puis pendant deux ans et demi à l'Art Student League il a pour professeur Frank Reilly (1906-1967) pédagogue de renom aux USA auprès duquel il reçoit une formation classique intensive fondée sur la représentation du corps humain.
C'est en autodidacte qu'il se forme à l'aquarelle et à la fin des années 70 qu'il se met à pratiquer intensivement le «contour drawing» (dessin par le contour) et le dessin «dot-to-dot» (dessin point-à-point) partout où il le pouvait profitant de chaque occasion, notamment dans les aéroports car il voyageait beaucoup à ce moment.
Reilly est du point de vue de ses influences relié à l'académisme de la peinture française du XIXè siècle. En effet lui-même précéda Reid à l'ASL où il eut pour professeur de dessin George Bridgeman (1865-1943) et Franck-Vincent Dumond (1865-1951) comme professeur de peinture.
Filiation
Voici dans le tableau suivant la généalogie artistique de Charles Reid.
Bridgeman <---> | Gérôme Boulanger | |||
Reid <---> | Reilly <---> | |||
Dumont <---> | J-J Levebvre J-J Benjalin-Constant <---> | Cabanel |
Bridgeman fut aux Beaux-Arts de Paris élève de Jean-Léon Gerôme (1824-1904) dont certaines peintures sont conservées au Musée d'Orsay. Puis il eut pour enseignant Gustave Boulanger (1824-1888) professeur aux Beaux Arts de Paris puis à l'Académie Julian.
Bridgeman eut entre autres élèves Norman Rockwell, grand illustrateur et peintre naturaliste de la vie américaine du XXè siècle.
Dumond vint également en France se former à l'Académie Julian sous l'égide de Jules-Joseph Lefebvre (1836-1911) , puis de Jean-Joseph Benjamin-Constant élève de Cabanel (1823-1889) ténor du style "pompier" très en vogue au XIXè siècle, et ami de Georges Clairin (1843-1919) (oncle de Pierre Eugène Clairin (1897-1980): élève de Serusier à l'académie Ranson et ami de Vuillard et Maurice Denis).
De l'Académie Julian, véritable pépinière d'artistes peintres fondée en 1867 par Rodolphe Julian (1839-1907) sont "sortis" entres autres les nabis (1888-89) et les fauves mais aussi Henri Moret, Lucien Simon, Maurice Chabas, Jean Bazaine, Jules Cavaillès, Emile Compard etc... .
Reid reçoit donc un enseignement basé sur les apports des grands mouvements picturaux qui ont animé en France la fin du XIXè siècle et le début du XXè siècle. Son art est ainsi très influencé par les impressionnistes français tels Edouard Manet (1832-1883) dont il apprécie la simplification des formes. Il se réfère également aux nabis et en l'occurence à Vuillard (1868-1940) le nabi zouave et Pierre Bonnard (1867-1947) le nabi très japonard. Ces derniers avec Toulouse Lautrec comptent parmis ses peintres préférés. Il retiendra d'eux l'emploi de couleurs pures pour les tons de valeurs moyennes.
Par ailleurs Ch. Reid est très influencé par les post impressionnistes américains tels J.S.Sargent (1856-1925) ami de Monet et élève de Léon Bonnat, ou encore Winslow Homer (1836-1910) et A. Wyeth (1917-2009).
HERITAGE
Reilly développa une méthode de dessin fondée sur la représentation du corps humain à partir de six lignes formant un cadre à partir duquel se construit le dessin du corps.
Mais il est avant tout reconnu pour avoir permis de comprendre l'organisation d' une palette fondée partiellement sur les travaux de Munsell qui fractionne la notion de couleur en trois caractéristiques: Value (Valeur), Hue (la couleur en tant que tel, rouge, bleu etc...) et la Chroma (Saturation ou degré de pureté d'une couleur pour Munsell).
Il organise ainsi sa palette selon 9 valeurs de gris comprises entre les deux bornes que sont le blanc et le noir. Ce dernier est numéroté 0, le gris moyen 5 et le blanc 10. Concept que l'on retrouve chez Charles Reid qui avoue d'ailleurs que l'enseignement de Reilly était axé sur ce thème plutôt que sur celui de la couleur. En effet pour Reilly la réussite d'une peinture repose à 80% sur l'attribution de valeurs correctes aux formes qui la constitue, à 20% sur la saturation des couleurs et à 0% sur le choix des couleurs. Ceci fait dire à Reid que la maîtrise des valeurs est plus importante que celle des couleurs; une peinture avec de mauvaises couleurs mais de bonnes valeurs fonctionnera toujours mais pas l'inverse.
Pour autant Reilly place sur sa palette cette échelle de gris étendue du blanc au noir, et de gauche à droite. Puis sous cette rangée il place des couleurs à base de rouge et d'orange de valeur correspondant aux différents gris. Reilly constitue ainsi une palette de couleurs pour peindre les nus à base de rouge, d'orange et de couleur chair . Il créera une autre palette pour peindre les paysages.
Ainsi chaque valeur de gris est convertible en une couleur précise et vice versa.
Par exemple un jaune de cadmium clair correspondra au gris de valeur 9, et un gris de valeur 5 correspondra aussi bien à un rouge de cadmium ou à un vert émeraude, un violet dioxazine sera de valeur 1.
C'est la méthode qu'adopte Charles Reid pour organiser sa palette.
CARASTERISTIQUES DE SON TRAVAIL A L'AQUARELLE
Le dessin
L'application des pigments est préparée par un dessin au contour et point à point. La particularité de ce dessin est un trait pratiquement continu avec des changements de directions, des connexions marquées par des frises et des points à la manière de ces jeux pour enfants qui consistent à partir du point n°1 à arriver au point n°x final pour découvrir ce que l'on a dessiné par le contour.
Notons que dans ces jeux le trait relie les contours extérieurs de la forme aux contours des formes intérieures que cette forme renferme. C'est une donnée sine qua non du dessin par le contour.
La différence ici tient dans les connexions qui relient les plans et les formes entre elles. Ce dessin ne recherche pas le contour des objets en tant que tel mais celui des formes d'ombre et des formes de lumière, qui ne correspondent pas à celles des objets. Le crayon effectue ainsi un parcours, un itinéraire, sur la feuille qui l'amène d'un point initial à un point final avec parsemés sur son trajet des points qui marquent les changements de directions, les connexions, les croisements. Ainsi le contour d'un objet ne sera pas forcément complet et restera en partie ouvert pour indiquer une zone de fusion entre deux plans de valeur similaire.
Dans le même esprit le trait sera plus ou moins appuyé selon que l'on souhaite connecter ou séparer, "trouver" ou "perdre" le contour en fonction de la valeur tonale des zones contiguës que l'on souhaite fondre l'une dans l'autre ou au contraire séparer.
Ainsi déjà en dessinant Reid peint dans son esprit par la sélection des zones de fusion entre les différents plans, des contours nets des zones qu'il souhaite mettre en évidence.
Ce dessin n'est pas effacé et constitue réellement le squelette de sa peinture.
La couleur
Charles Reid fonde son approche de la couleur (et de la composition) sur les principes des impressionnistes (E. Manet), des nabis et des fauves(R. Dufy) qui rejoignent par certains aspects ceux des peintres de la réalité poétique (J.Cavaillès ami de Bonnard). C'est à dire qu'il utilise des couleurs pures pour les tons de valeurs moyennes , et exploite les zones de valeur similaire pour réunir différents plans.
Rompu à la technique à l'huile il adapte cette technique à l'aquarelle. C'est là l'originalité de son travail qui se situe aux antipodes de la technique classique à base de lavis superposés humides sur sec telle que l'enseignait au XIXè siècle Eugène Ciceri petit fils du peintre Isabey.
Sa technique repose sur la notion de rapport entre couleur et valeur et sur le rapport entre couleur locale et couleur pure.
Le principe de "couleur/valeur locale pure
Suivant l'enseignement de Reilly, Reid traite la couleur en terme de valeur de gris disposé sur une échelle allant du blanc au noir.
C'est à dire que chaque couleur de sa palette correspond à un gris de l'échelle de valeurs. Nous dirons que chaque pigment en décomposant la lumière blanche produit une couleur et que celle-ci peut être convertie en un gris spécifique. Nous traduisons ceci par la notion de binôme Couleur/Valeur car ces paramètres sont indissociables l'un de l'autre.
A ce binôme il associe le qualificatif « locale » ce qui donne la notion de "couleur/valeur locale". C'est à dire que tout objet en dehors des variations de valeurs tonales provoquées par les effets de la lumière sur et autour de lui tels les éclats, ombres et ombres portées, possède sa couleur propre. Il est rouge, ou vert, ou jaune etc... et il faut le voir ainsi sans modulation de nuance, à la manière de l'enfant qui dessinant une tomate ou le tronc d'un arbre fait une tache plus ou moins ronde d'un rouge uniforme pour le fruit et un trait épais marron pour le tronc.
Notons que Ch. Reid n'emploie des couleurs pures c'est à dire de couleurs intense, vives, saturées (la saturation d'une couleur étant son degré de pureté) que pour les valeurs tonales moyennes et pour les valeurs tonales foncées ce qui crée un contraste fort avec le blanc du papier.
Notre binôme évolue donc en principe de «Couleur/Valeur Locale Pure».
La qualité de la lumière de ses aquarelles provient du juste équilibre entre le blanc du papier qu'il s'efforce de préserver et les valeurs locales associées aux couleurs pures.
Ce principe de la "couleur/valeur locale pure" conduit à une gestion particulière des noirs et des blancs.
En effet, Reid a peu recours au noir intense et utilise rarement ces pigments qui viennent parfois foncer un mélange déjà sombre. Mais généralement les valeurs noires qu'il voit son peintes plus claires qu'en réalité. Il ne va pas pratiquer le clair-obscur, bien qu'il affectionne peindre "backlit", c'est-à-dire à contre jour, les bouquets et natures mortes posés devant une fenêtre par exemple. C'est par le jeu des couleurs/valeurs pures entre les différents plans du tableau que la lumière va s'exprimer et non par un contraste blanc/noir, car les couleurs pures ont autant d'impact sur le blanc du papier qu'un noir.
A ce sujet il favorise les fusions entre les différents plans par le jeu des valeurs similaires et juxtaposées qui appartiennent à différents plans ce qui rajoute encore à l'effet de luminosité.
Pour les blancs et les valeurs claires correspondant aux multiples nuances de blanc Reid insiste en précisant qu'un objet blanc reste blanc quelque soit l'éclairage qu'il reçoit, même dans l'ombre il est blanc. La plus foncée des nuances de blanc sera toujours plus claire que la plus claire des nuances sombres. "White is white" en toute circonstance. Ceci veut dire qu'il traite les variations de valeur tonale des objets blancs dans les ombres et ombres portées par l'utilisation de nuances de blanc obtenues à partir de mélanges complémentaires subtils chauds ou froids qu'il juxtapose sur le papier, et à partir de nuances d'un gris composé de bleu de céruleum, d'ocre jaune ou terre de sienne naturelle et de carmin qu'il affectionne particulièrement.
On retrouve en fait ici la notion de couleur locale pure appliquée au blanc que l'on fonce par l'utilisation d'une nuance de blanc légèrement plus foncée. C'est uniquement pour ces nuances de blanc que Ch. Reid emploie les jus dilués qui vont à leur tour contribuer à créer l'effet de luminosité dans ses aquarelles.
Ornementations
Il insiste sur l'emploi de beaucoup de pigment pour éviter la fadeur due à une trop grande dilution et de beaucoup d'eau car il apprécie que l'eau marque de son empreinte son travail. Il favorise et recherche ainsi dans les zones de valeur équivalentes la fusion des "jus" laissant l'eau agir librement. C'est ainsi qu'il laisse parfois les coulures se "peindre" d'elles-mêmes, ou les auréoles se former.
Par ailleurs il affectionne particulièrement les projections. A ce sujet il n'est pas explicite, et dit seulement qu'il aime ce procédé.
C'est pour cela que nous employons à dessein le terme d'ornementation en ce qui concerne les projections mais aussi les coulures et les auréoles.
Le dictionnaire définit l'ornementation comme l'art ou la manière de disposer des ornements. L'ornement étant ce qui embellit. Mais ce qui traduit le mieux l'idée que véhiculent ces ornements c'est la définition de l'ornementation musicale. En effet ce sont des notes ou ensemble de notes ajoutées à une mélodie, à un rythme, pour l'agrémenter, c'est à dire pour produire un effet dont le but est d'embellir, ce sont des éléments non indispensables (d'après le dictionnaire) d'un discours ou d'un écrit (écriture musicale, mais aussi écriture picturale par exemple), uniquement introduit pour des raisons d'esthétique. Donc, indispensables en ce qui nous concerne ici, ce sont des touches de couleurs qui embellissent en révélant la blancheur du papier mais aussi en animant sa surface, contribuant à donner vie à la peinture.
C'est l'inverse des grains de poussière qui révèlent le rayon de lumière sur certaines photographies prises à contre jour dans une atmosphère en clair obscur où le noir met en évidence les grains de poussière traversant la lumière. Ici à l'opposé, comme sur le négatif argentique, les projections de couleur mettent en évidence le blanc du papier. Au lieu de circonscrire une forme blanche par une couleur sombre comme lorsque l'on peint en négatif, ce sont les tâches de couleur qui mettent en valeur le fond blanc de l'aquarelle.
De plus comme en musique ces ornementation picturales relèvent de l'improvisation car elle possèdent une part d'imprévisible, une part de liberté laissée à l'eau dans les coulures et auréoles, une perte de contrôle de la trajectoire des projections par exemple qui sont les équivalents du point de vue de leur fonction de l'appoggiature, de la trille, et autres gruppetto (qui exigent par contre une grande précision dans leur exécution et interprétation).
Par le dessin au contour et point-à-point, et l’emploi de couleurs pures nous avons vu que le travail de Charles Reid, sans être naïf, atteint notre âme d'enfant touchée également par les projections de couleurs, véritables confettis qui égaient sa peinture et nous enchantent.
Ces enrichissements renforcent l'idée de gaité, de vivacité et de spontanéité de son travail.
TECHNIQUE
Charles Reid ne fait aucun dessin préparatoire, pas de vignette d'étude de valeur ou de composition. Il commence directement son dessin au contour la main ancrée sur la feuille qu'elle ne quitte que très rarement.
Pour le maniement du pinceau comme pour le dessin il garde toujours au moins un doigt, sinon le bord de la main, en contact avec le papier. A l'opposé de Frank Webb, autre immense aquarelliste, qui tient à deux ou trois doigts son pinceau par l'extrémité du manche et peint lentement avec une grande souplesse dans le geste du bras, ou encore de Joseph Zbukvic qui tient son pinceau à mi-manche ou pas très loin de la virole et dont le geste est vif et nerveux. A chaque personnalité son tempo et sa gestuelle.
Comme nous l'avons précisé plus haut Reid use ni du lavis ni du glacis.. Ici pas d'étape 1, 2, etc... Les pigments fraîchement sortis du tube sont posés directement sur le papier en taches juxtaposées qui délimitent des formes qui selon sa décision fusionneront ou pas et qui auront quoi qu'il en soit une partie au moins de leur contour adouci. Il peut ainsi reprendre le même thème plusieurs fois et ne recommencera ni son dessin ni le travail au pinceau au même endroit car il n'a pas de plan pré-établi. Il débute son dessin et sa peinture selon son inspiration du moment.
Nous pouvons utiliser à nouveau la métaphore musicale ici, car il dit qu'un thème est exploitable et interprétable à l'infini. Ce qui importe pour lui n'est pas de changer de sujet mais d'aborder le même sujet différemment à la manière d'un happening ou d'une improvisation comme en jazz. Il a un thème portrait, nature morte, paysage etc... comme le jazzman son thème et sa grille harmonique sur laquelle avec son instrument et sa technique il va s'exprimer, sans savoir ce qu'il obtiendra au final, et créer une nouvelle interprétation sur une base immuable (le thème).
En improvisation pas de retour possible c'est un processus qui se joue d'un trait, processus adopté par le peintre dont la règle est d' appliquer la valeur souhaitée du premier coup.
Rarement il revient sur le premier passage seulement pour renforcer une valeur ou pour suggérer un détail car la règle impose de ne point retoucher pour corriger un éventuel défaut. D'ailleurs il ne reprend jamais ce qu'il considère comme raté, il conserve cette erreur et finit son aquarelle. Contrairement à l'un de ses maîtres, Bonnard en l' occurrence, qui surpris en train de corriger, depuis lors on dit «bonnardiser», en plein musée, un défaut sur l'une de ses toiles par les gardiens du musée de Grenoble qu'il visitait, se fait molester et conduire au conservateur du musée tout heureux, à la surprise des cerbères, de voir le peintre entrer dans son bureau.
Son but n'est pas la recherche de la perfection de l' aspect de la réalisation qui à son avis produit une peinture figée et donc sans vie, mais celle de la lumière et du jeu des couleurs.
Comme les nabis il prône l'absence de centre d'intérêt et prête une attention particulière aux angles et aux bords de la feuille et insiste aussi, continuité, prolongement du contour drawing, sur les notions de connexion et de séparation entre les contours intérieurs et les contours extérieurs des objets ou plus exactement des formes s'affranchissant ainsi de la troisième dimension.
Peintre figuratif il sacrifie l'objet tout en en conservant l'idée au profit des formes et des motifs, de même si la peinture l'exige il s'affranchit de la perspective aérienne notamment pour rester en deux dimensions.Tout ceci concourt à donner à ses aquarelles fraîcheur et spontanéité ou plus exactement l'illusion de la spontanéité, car en fait ce rendu repose sur une solide technique et un travail longuement mûri.Chaque coup de pinceau est pensé pour donner l'effet souhaité du premier coup. Il peint donc lentement contrairement à ce que l'on pourrait croire en admirant son travail.
Sur un plan purement technique il accorde une grande importance au travail du pinceau c'est à dire dans la façon de poser la couleur sur le papier et de l'étirer dans telle ou telle direction et dans la manière d'établir au pinceau des contours ou des bords nets, "trouvés" (séparations), par opposition aux bords perdus (connexions). Pour lui tout objet doit éviter d'être serti, contenu et enfermé, et pour cela avoir une partie de son bord net et une autre partie diffuse.
Il commence par l'application des couleurs moyennement foncées pour aller vers les tons clairs sans se préoccuper de leur transparence ou opacité car comme nous l'avons vu il n'emploie pas la technique du lavis.
Il n'humidifie pas sa feuille (Fabriano Artistico, 100% coton, grain torchon, 300gr/m2) ou parfois par des projections d'eau pure. Il peint en juxtaposant les touches de couleurs, donc humide sur sec en laissant certaines taches fusionner entre-elles.
PEINTRE IMPROVISATEUR
Improvisateur de talent Charles Reid est un peintre complet dont le travail s'étend de la nature morte au portrait en passant par le nu et bien qu'il avoue n'être pas un grand peintre paysagiste ces paysages sont toujours empreints d'une grande luminosité.
Sa formation classique fait de lui un maître du dessin qui préfère le contour aux lignes rythmiques et aux masses. Il déroule son trait continu sur la feuille alternant droite et courbes marquées par des points ou des frises ici ou là, un peu à l'image de Calder qui déroulait son fil de fer et dessinait ainsi des contours dans l'espace avec des noeuds par endroits et des torsades ailleurs.
A l'image des jazzmen il envisage son art sous l'angle de l'improvisation se libérant par là de la répétition ennuyante en créant à chaque fois une oeuvre nouvelle au caractère spontané.
Digne héritier des nabis et des fauves par l'emploi de couleurs pures, et des impressionnistes par la lumière qui émane de ses aquarelles, il produit par sa maîtrise technique une peinture fraîche, lumineuse donnant l'illusion de la spontanéité et empreinte d'une joie de vivre. Ses peintures respirent le bonheur et en ce sens son travail rejoint celui des peintres de la Réalité Poétique comme Maurice Brianchon et surtout Jules Cavailllès.
Sources:
Bibliographie:
Figure painting in watercolor (1972 Watson-Guptill), Portraits painting in watercolor (1979 Watson-Guptill), Portrait and figure painting in watercolor (1984 Watson-Guptill), Painting what you want to see (1983 Watson-Guptill), Pulling your painting together (1985 Watson-Guptill), Painting by design (1991 Watson-Guptill), The natural way to paint (1994), Flower painting in watercolor (2001),Charles Reid's watercolor secrets (2007 David&Charles), Charles reid's watercolor solutions (2008)
Doug Higgins, Learn to Draw and Paint Frank Reilly Art Teaching by Doug Higgins Artist
Revue American Artist Watercolor numéro du Printemps 2008.